La face cachée des sujets qui font l'actualité

Elka éditions lance la nouvelle collection "Itinéraire Bis" qui dévoile dans chaque tome la face cachée de 4 sujets qui font l'actualité sous la forme d'enquêtes éco-citoyennes.

Au sommaire du Tome 1 :
- Pollution aux algues vertes
- Ressources cachées de nos poubelles
- Pression sur l’eau
- Agriculture et grande distribution

En vente ici

mercredi 25 janvier 2012

« Aujourd’hui encore, alors que les prix flambent, les agriculteurs continuent de toucher ces primes, ils ont le beurre et l’argent du beurre. C’est scandaleux ! »

Itinéraire Bis donne la parole à 4 grands témoins sur les 4 thèmes de ce premier opus. André Pochon, paysan-chercheur, ancien éleveur de vaches en Bretagne et fondateur du CEDAPA, nous éclaire sur l'économie de l'agriculture en général et sur ses conséquences de pollution des algues vertes en particulier. 


Itinéraire Bis. Au cours de votre vie d’éleveur-agriculteur, vous avez été témoin de tous les changements du monde agricole. Peut-on dire que vous avez vécu deux grandes périodes : celle d’avant les années 70 et celle d’après, la rupture étant marquée par l’avènement de la PAC (Politique Agricole Commune) qui "booste" l'agriculture productiviste où il y a peu de valeur ajoutée ? 
André Pochon. Exactement. Après la guerre, une nouvelle génération de paysans, accompagnée par l’INRA, a eu pour mission de remettre le pays debout et de donner à manger à tous. Ce fut l’apparition des CETA (Centres d’Études Techniques Agricoles), dont le succès a été fulgurant et exponentiel. J’ai d’ailleurs créé dans ma région mon propre CETA. Nous y échangions sur nos pratiques, nous comparions nos résultats, nous cherchions à faire plus et mieux. Bref, entre paysans et chercheurs, nous faisions du bon boulot ! 


Jusqu’à la fin des années 60, tout allait à merveille. Vaches et cochons étaient élevés ensemble sur une même exploitation grâce à la prairie bien gérée et aux vaches normandes (qui ont remplacé nos vaches locales), nous avons quintuplé notre production laitière et porcine, cette dernière dépendant alors du lait écrémé restant sur la ferme. Les "porcheries danoises" sur paille étaient généralisées et le fumier enrichissait nos terres en humus. 

Ce cercle était vertueux. On produisait suffisamment et les exploitations étaient rentables, car nous étions autonomes. À cette époque, pas une exploitation ne disparaissait, les familles paysannes étaient nombreuses, le tissu économique et rural restait dense. Et il n’y avait pas de pollution ! Pas de nitrates dans l’eau et pas d’algues vertes ! 

I.B. Que s’est-il passé ? Comment est-on passé d'un système harmonieux à un modèle agricole dont on constate aujourd'hui les limites et les méfaits ? 
A.P. À partir de 1962-65, il y a eu le basculement : celui vers l’agriculture intensive. Et cela pour plusieurs raisons. La pression des coopératives pour commencer. Créées par les paysans eux-mêmes pour organiser la vente de leurs produits, elles ont rapidement voulu gagner plus d’argent et ont donc mis une forte pression sur les agriculteurs pour qu’ils produisent plus en achetant plus. Le rôle des écoles d’agriculture a également beaucoup joué. Elles ont vulgarisé les pratiques venues des États-Unis et de Hollande, et les ont présentées comme le modèle à suivre. 
Puis la PAC a sonné le glas en garantissant les prix ! On pouvait produire céréales, viande et lait sans limites à un prix garanti. Dès lors, la voie est ouverte à l’intensification et à la spécialisation des exploitations. Des régions entières comme la Beauce abandonnent l’élevage. D’autres, comme la Bretagne, se spécialisent en production industrielle de porcs et volailles. Qui plus est, les animaux sont alimentés au prix mondial (le soja n’est pas taxé) alors qu’ils vendent lait et viande au prix garanti européen (soit le double du prix mondial). En 1992, cette garantie est remplacée par une prime directe aux agriculteurs, compensatrice à la baisse des prix (prime PAC), quelle que soit la surface et sans aucune régulation. Et le maïs-fourrage est primé, mais pas l'herbe ! 
Aujourd’hui encore, alors que les prix flambent, les agriculteurs continuent de toucher ces primes, ils ont le beurre et l’argent du beurre. C’est scandaleux, le budget étant approvisionné par la TVA. Même les foyers pauvres alimentent cette prime versée aux gros agriculteurs. 

.... la suite de l'interview à lire dans le premier tome d'Itinéraire Bis

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